Conséquences chez l’enfant

Abandon & Trahison
La trahison naît de la confiance

« La trahison naît de la confiance » Dessin crayon

L’enfant a confiance dans l’amour que ses parents lui portent et la maltraitance consiste à rendre cet amour dépendant de ce qu’il fait, de ce qu’il pense ou de ce qu’il est.

Les événements stressants dans la famille affectent chaque enfant de manière différente et unique. Cependant, certaines situations provoquent des réactions de stress plus intenses et plus conséquentes que d’autres. Selon l’étude publiée dans la revue Nature Neuroscience du 22 février 2009, la maltraitance dans l’enfance, à travers le stress induit, modifie l’expression des gènes régulant les récepteurs aux glucocorticoïdes dans l’hippocampe et accroît le risque de suicide. Le niveau de ces neurorécepteurs mesuré dans l’hippocampe de personnes suicidées adultes ayant été victimes de maltraitance dans leur enfance est inférieur à celui des suicidés n’ayant pas été maltraités et à celui du groupe témoin. Ces découvertes montrent que l’on peut transposer aux humains les résultats des études sur le maternage chez les rats montrant les effets épigénétiques de la négligence parentale – maltraitance et abandon affectif.

Les symptômes à l’adolescence :

L’enfant victime de mauvais traitements psychologiques et qui n’a bénéficié d’aucune intervention protectionnelle et d’aucun soutien thérapeutique affronte la période de l’adolescence avec un manque extrême d’estime de soi et une image dégradée de sa personne. Dès lors que les parents continuent leurs agissements pendant cette période, l’enfant reste bloqué dans son épanouissement personnel et connaît de nombreux problèmes que sa famille ne tarde pas à reporter sur la crise d’adolescence. S’il a été bafoué émotionnellement depuis l’enfance, cette situation consolide davantage ses conduites autopunitives et destructrices à l’adolescence. Toutes ses décisions sont alors conditionnées par l’influence chronique de la maltraitance psychologique. L’adolescent s’engage dans des relations abusives avec les autres et s’intéresse de plus en plus aux activités illicites telles que la consommation de drogue, l’alcool, la prostitution, les fugues, et les actes délictueux ou criminels. Cette maintenance ou résurgence de problèmes à l’adolescence sont ainsi directement symptomatiques d’abus émotionnels intra-familiaux subis au cours de l’enfance (parfois même pendant la prime enfance).

Les répercussions à l’âge adulte :

Les abus émotionnels laissent également des traces à l’âge adulte. De nombreuses victimes ayant subi des maltraitances psychologiques durant l’enfance sont souvent victimisées sur le plan émotionnel pendant leur vie d’adulte. Elles continuent à entretenir des relations abusives et font l’objet d’exploitation et d’abus par les autres. Leur mépris pour elles-mêmes les confirme dans ce rôle de victime « au service » des autres. Parmi ces victimes d’abus émotionnel durant l’enfance, certaines se transforment en adultes irascibles, hostiles et agressifs. La violence envers les enfants est le résultat d’actions ou d’inactions de la part de personnes à qui l’enfant est censé faire confiance. Qu’elle soit de nature sexuelle, physique ou psychologique, c’est l’une des pires et des plus intrusives formes de stress et elle intervient directement dans la vie quotidienne de l’enfant, de manière continue ou imprévisible. Les enfants de familles physiquement ou émotionnellement violentes doivent affronter plus que la violence, la peur ou le rejet, car ils ont généralement grandi dans un contexte familial plutôt incohérent et désorganisé. Tout en reconnaissant que les expériences de chaque enfant victime diffèrent de façon importante de ceux des autres victimes, il y a certaines tendances qui décrivent des caractéristiques importantes, communes de leurs environnements éducatifs. « Dans un contexte pathologique, l’enfant se sent mal aimé et non désiré, voire encombrant et désapprouvé jusque dans sa chair. Son identité, sa personnalité, son affectivité, sa pensée et sa filiation sont généralement compromises par des attitudes parentales particulièrement hostiles. L’enfant est dévalorisé en tant que membre de la famille. Le parent abusif peut également encourager les autres à rejeter et à ridiculiser l’enfant désigné comme porteur de tous les maux. Ses repères sont alors brouillés et son degré d’appartenance au groupe familial réduit à néant. Il doit continuellement mendier de la reconnaissance et négocier sa place au sein du groupe familial. L’ambiance émotionnelle est froide. Les parents ne démontrent aucune affection à l’égard de l’enfant et ne lui accordent ni attention, ni soutien. Privé de toute nourriture affective, l’enfant dépérit et son développement reste bloqué. L’abus émotionnel n’est pas un événement isolé mais correspond à une série d’attitudes systématiques qui le diminuent. Ce sont les conduites abusives répétées et continues qui réduisent l’enfant et lui font penser qu’il ne vaut rien, au point de croire qu’il ne mérite pas d’être respecté, ni même d’être pris en considération, et encore moins de recevoir de l’amitié, de l’amour et de l’affection » (Yves-Hiram Haesevoets). Sans assurance constante, de confort et de routine dans une relation affective sécurisante, les bébés et les enfants maltraités ont des difficultés considérables à établir une interaction cohérente et réciproque avec leurs soignants. Au lieu de cela, ils peuvent présenter un rapprochement décrit comme un « attachement peu sûr et désorganisé », caractérisé par un mélange d’approche et d’évitement, d’état de détresse, d’appréhension, et de désorientation générale. En revanche, les enfants qui développent un esprit positif, un style de relation sûr (en raison d’autres influences familiales positives ou de points forts, par exemple) sont plus résilients aux soins marqués par la violence physique d’une parentalité négative. Pour Boris Cyrulnik, « la résilience est l’art de naviguer dans les torrents. Mais comme il est tombé dans un flots qui le roule et l’emporte vers une cascade de meurtrissures, le résilient doit faire appel aux ressources internes imprégnées dans sa mémoire, il doit se bagarrer pour ne pas se laisser emporter dans la pente naturelle des traumatismes. » La stabilisation des émotions est un concept clé pour comprendre comment la violence psychologique, ainsi que la parentalité négative ou dysfonctionnelle, peuvent affecter le développement des enfants. La stabilisation des émotions fait référence à la capacité de moduler ou de contrôler l’intensité et l’expression des sentiments et des impulsions intenses, de manière adaptative. Il n’est pas surprenant que le développement précoce des capacités de stabilisation soit fortement influencé par la qualité de la relation parent-enfant. Parce que les enfants maltraités vivent dans un monde de troubles émotionnels et d’extrêmes, il est très difficile pour eux de comprendre, d’identifier, et de stabiliser leurs émotions internes. Les expressions d’émotions, comme les pleurs ou des signes de détresse, peuvent déclencher la désapprobation, l’évitement, ou la violence de la part des personnes s’occupant d’eux, de sorte que les jeunes enfants maltraités ont une plus grande tendance à supprimer leur expression et leur stabilisation émotionnelle et demeurent plus craintifs et hypervigilants. L’enfant qui demande un conseil à une mère émotionnellement instable (du type bipolaire), apprend très vite qu’il s’expose à être rejeté violemment par un « tu me fais chier » ou « démerde-toi ». Par la répétition de ces réactions, les enfants développent une capacité à ressentir l’état émotionnel du parent concerné pour « éviter » de déclencher ce qui risque de les blesser. La violence psychologique vécue au sein de la famille est à l’origine des nombreuses séquelles qui peuvent se manifester dès l’enfance et l’adolescence ou n’apparaître qu’à l’âge adulte. Elle induit des troubles relationnels et comportementaux, une faible estime de soi, des affects dépressifs, des comportements d’addiction, de l’agressivité, des difficultés de concentration et d’apprentissage, etc. Les travaux rapportés par l’APSAC soulignent que c’est l’absence de réaction émotionnelle aux sollicitations de l’enfant qui induit les traumatismes les plus importants tant sur le plan physique que psychique, et ils soulignent leur impact à très long terme. Ne pas soutenir les efforts de l’enfant, ne jamais l’encourager lorsqu’il éprouve des difficultés, l’insulter, le terroriser, le menacer, l’exclure, l’isoler, l’enfermer, le punir de manière absurde, lui faire subir un climat d’insécurité continu, le rendre responsable des problèmes familiaux, le ridiculiser au regard des autres membres de la famille, sont autant d’actes cruels qui réduisent l’enfant à l’état de bouc émissaire. L’enfant est ainsi sacrifié au risque de sa propre santé. Pour illustrer cette destructive absence de soutien, je vous donnerai l’exemple de cet homme alcoolique qui annonça à sa mère sa décision d’entamer une cure de désintoxication et qui obtint comme réponse : « je te souhaite bon courage, mais qui a bu, boira !… » Cette dialectique relationnelle pathologique implique que ceux qui font de l’enfant l’objet de leur sadisme et de leur hostilité en retirent une certaine jouissance. Face à une telle agression émotionnelle de sa personne, sa survie psychique va dépendre autant de ses capacités de reliance que de son niveau de résilience. A ce degré d’agression émotionnelle, l’enfant doit compter sur les réactions du corps social pour s’en sortir. « Face à de tels sévices, l’enfant en ressort rarement indemne et devient le vecteur de la pathologie familiale dont il est l’enjeu. Avec des sentiments de résignation masochiste ou par habitude, l’enfant occupe une place de patient désigné ou joue le rôle de bouc émissaire. » Yves-Hiram Haesevoets Il est à noter que, contrairement aux idées reçues, seulement 5 à 10 % des enfants maltraités deviendront des parents maltraitants.

La grande majorité deviendra bienveillante, à l’écoute, attentive et en capacité à répondre de manière adapté aux besoins de leurs enfants. En revanche, on observe très fréquemment, chez les parents, des antécédents de maltraitance, de séparation, de rejets, sources d’insécurité foncière et de non-estime de soi. Une structure mentale pathologique, surtout psychopathique, peut également être relevée.

Valérie RENOUX